Les plus-values et l’assurance-vie des expatriés sont visées par la réforme fiscale. Mais plus les résidences secondaires.
La réforme fiscale récemment adoptée au Parlement touche le patrimoine des non-résidents. Si l’idée d’une taxe spécifique aux résidences secondaires des non-résidents a été abandonnée, les expatriés restent concernés par deux mesures : le mode de fiscalité applicable au moment du dénouement d’un contrat d’assurance-vie (décès), d’une part, l’instauration d’une « exit tax », d’autre part. Une initiative qui ne fait pas l’unanimité. Explications.
Du nouveau dans l’assurance-vie des non résidents
Dans le système précédent, pour déterminer la fiscalité applicable au moment du décès, l’administration fiscale tenait compte du lieu de résidence du souscripteur au jour de l’adhésion, et pas au jour du dénouement du contrat. « Désormais l’administration fiscale tiendra compte de la résidence de l’assuré -qui se trouve être souvent le souscripteur -ou du bénéficiaire lors du décès de l’assuré », indique Dimitar Hadjiveltchev, avocat du département fiscalité internationale de CMS Bureau Francis Lefebvre. « Seul point favorable : pour le bénéficiaire, l’administration tiendra compte de la résidence au moment du dénouement, mais devra aussi vérifier sa présence sur au moins six des dix dernières années ». Pour rappel, après application d’un abattement de 152.500 euros, la valeur du contrat est taxée à hauteur de 20% si celle-ci est inférieure ou égale à 902. 838 euros (après abattement) et à 25% au-delà. Pour que le capital transmis échappe à l’impôt, l’assuré et le bénéficiaire devront être domiciliés hors de France, depuis au moins six ans. Dans le cadre de la réforme du patrimoine, d’autres mesures alourdissant la fiscalité de l’assurance-vie ont été adoptées.
Création d’une «exit tax»
L’instauration d’une «exit tax» permettrait de «limiter l’évasion fiscale» en taxant les plus-values latentes de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux «constatées avant le changement de domicile des personnes physiques». Un dispositif de ce type a été en vigueur en France entre 1999 et 2004, puis abrogé, suite à une décision de la Cour de justice européenne. Le nouveau texte n’est pas exempt de controverse : en particulier, certains fiscalistes craignent qu’il n’entre en conflit avec certaines conventions fiscales signées avec des pays étrangers. Selon les prévisions officielles, la mesure rapporterait 87 millions d’euros en 2012 (à la fois en impôts et charges sociales) et 189 millions à partir de 2012.
-Qui est concerné ? Le dispositif concernerait les contribuables «qui transfèrent hors de France leur domicile fiscal et qui détiennent lors de ce transfert, avec les autres membres de leur foyer fiscal, une participation directe ou indirecte d’au moins 1% dans le capital d’une société» ou bien «une participation directe ou indirecte dans une société d’une valeur supérieure à 1,3 million d’euros lors de ce transfert».
-Quels sont les revenus concernés ? Le projet d’imposition porte sur les plus-values latentes sur les valeurs mobilières et droits sociaux de sociétés françaises ou étrangères «passibles de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés ou un impôt équivalent». « Les parts de sociétés de personnes, tels que la société civile ou la société en commandite sont aussi concernées », relève Dimitar Hadjiveltchev. «Sont également imposables lors de ce transfert de domicile fiscal les plus-values répondant aux mêmes conditions qui ont précédemment été placées en report d’imposition», précise le gouvernement dans l’exposé des motifs de ce texte. A noter que les revenus liés à un complément de prix (clause dite de « earn out ») suite à une cession peuvent aussi être concernés. En revanche les parts de SICAV échappent à la taxe.
-Quel est le montant de l’impôt ? Pour rappel, les plus-values de cessions de valeurs mobilières réalisées par les particuliers en 2011 sont imposées à 19% (impôt), auxquels s’ajoutent 12,3% de charges sociales. Concrètement, le calcul de la plus-value latente correspondrait à la différence entre la valeur des titres un jour avant la date du départ, et leur valeur d’acquisition. Le principe de l’imposition, son champ d’application, les modalités et la base d’imposition seraient définis au moment du transfert hors de France. Cette «exit tax» s’appliquerait aux transferts du domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011.
-A quel moment payer ? La règle serait de payer l’impôt au moment de quitter la France. En pratique, il y aurait des exceptions :
1. un sursis de paiement serait accordé (sans prise de garantie) en cas d’installation dans un autre pays de l’Union européenne (ou de l’Espace économique européen) ayant conclu des accords fiscaux avec la France ; ou en cas de départ dicté par des raisons professionnelles, vers un pays tiers, mais ayant conclu un accord fiscal avec la France ;
2. si le contribuable décidait de transférer son domicile dans un autre Etat, il devrait en théorie son impôt à la date du départ. Toutefois, à sa demande, et sous réserves de «prise de garanties adéquates», il pourrait bénéficier d’un sursis. Cette prise de garanties ne serait pas exigée en cas de changement de domicile pour motifs professionnels ;
3. l’impôt ne serait plus exigible au bout d’un délais de huit ans de résidence hors des frontières. Attention : ce dégrèvement porterait uniquement sur l’impôt, et non sur les prélèvements sociaux (12,3%) ;
4. le sursis de paiement prendrait fin en cas de cession, rachat, remboursement, annulation ou donation des titres concernés. L’impôt serait donc dû. Toutefois, le sursis peut être maintenu pour une donation, si le donateur prouve à l’administration que l’objectif qu’il poursuit n’est pas d’éviter l’exit tax.
5. l’impôt serait aussi dégrevé ou restitué en cas de retour en France avant un délais de huit ans, ou en cas décès ;
-Que faire en cas de moins-value ? Calculé sur base d’une plus-value «latente», le montant de l’impôt peut varier au moment de la plus-value effective. Il pourrait être réduit si le gain final s’avère inférieur au calcul réalisé au moment du départ, voire annulé si le détenteur des titres a finalement réalisé une moins-value. Par ailleurs, l’impôt pourrait être réduit, le cas échéant, pour tenir compte des abattements pour durée de détention. Pour rappel, les plus et moins-values de cession d’actions bénéficient d’un abattement d’un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année (années 6,7 et 8). Enfin, afin d’éviter la double imposition, l’impôt éventuellement acquitté dans le pays de résidence vient se soustraire à l’impôt dû en France, dans certaines limites.