De l’optimisation fiscale à l’abus de droit

L’optimisation de patrimoine est l’objectif logique de tout père de famille désireux de faire fructifier ses biens de manière intelligente. Pour mener à bien cette stratégie, il peut être tentant d’utiliser certains silences de la réglementation, ou de combiner de manière avantageuse plusieurs régimes fiscaux. L’écueil de ces stratégies porte un nom : il s’appelle abus de droit.

Il peut sembler opportun de redéfinir rapidement les contours de cette notion, avant de choisir quelques exemples montrant qu’il est aisé de passer du paradis de l’optimisation à l’enfer fiscal.

Abus de droit : quelques rappels de base

L’abus de droit n’est pas une notion subjective, maniable par l’administration de manière aveugle et arbitraire. En fait, deux montages sont répréhensibles : l’acte fictif, et l’acte à but exclusivement fiscal s’appuyant sur un esprit contraire aux intentions du législateur.

Lorsqu’un inspecteur des impôts a des doutes sur la validité d’un montage, il peut tenter d’incriminer celui-ci sur la base de l’abus de droit. Toutefois, la décision de lancer la procédure nécessite l’intervention d’un fonctionnaire de rang conséquent.
La procédure passe souvent par l’intervention du Comité de l’abus de droit. Cet organe, saisi à la demande d’une des parties, va émettre un avis sur le caractère abusif du montage. Cet avis n’est pas une décision juridictionnelle. Il donne simplement un avantage en matière de procédure contentieuse à l’une des deux parties ; si le comité voit un abus de droit dans le montage, c’est au contribuable d’apporter la preuve au contentieux que le montage n’est pas répréhensible. A l’inverse, si le comité ne voit pas d’abus de droit, la charge de la preuve incombe à l’administration.

Actes fictifs : renoncer à la tentation, car d’autres pistes existent souvent

La donation à des tiers, déguisée en vente est un acte fictif emblématique. Le principe en est simple : le riche oncle sait que s’il gratifie sa nièce d’un bien sur sa succession, celle-ci devra acquitter des droits au taux de 55 %. Il va alors préférer déguiser la donation en simple cession, soumise aux seuls droits de mutation à titre onéreux.

La maison de famille va ainsi être vendue à la nièce, une large partie du prix (voire l’intégralité) étant convertie en rente viagère, qui ne sera en fait pas exigée.
Ces stratégies sont bien connues de l’administration fiscale. C’est pourquoi elles donnent lieu à rétablissement de la taxation au taux des droits de succession, majorée des intérêts de retard et surtout d’une pénalité égale à 80 % des sommes fiscales initialement éludées. Le total des impôts peut ainsi excéder la valeur du bien transmis !
Plus récemment, certaines opérations, qui semblaient a priori banales, se sont trouvées sous les feux de l’actualité. C’est le cas par exemple d’opérations dans lesquelles un des ascendants réalisait une transmission au profit d’un descendant, celui-ci effectuant peu après une retransmission des biens en cause à l’autre ascendant. L’opération trouvait son explication dans le fait que les deux parents étaient désormais séparés, et que l’un des deux souhaitait malgré tout gratifier l’autre. Sachant que cette libéralité serait taxable au taux de 60 %, il utilisait le descendant pour garantir une transmission bénéficiant du régime en ligne directe. L’administration n’a pas eu de mal à mettre en évidence le fait que l’intention libérale de la première transmission était fictive, et que l’abus de droit était constitué.

Enfin, toujours en matière de fictivité. on trouve la donation effectuée avant la cession d’un bien, de manière à rehausser le prix de revient fiscal et d’effacer la plus-value taxable, avec reprise des liquidités par les donateurs après la cession. Ces montages n’appellent que peu de commentaires, car la fraude est grossière, et indéfendable.

Ils sont d’autant plus critiquables que diverses techniques existent pour atteindre le même but, mais à moindre risque. Ainsi, en matière de transmission en ligne indirecte, l’utilisation de l’assurance-vie (avant 70 ans toutefois) permet de ramener la taxation à un niveau raisonnable. De même, l’acquisition d’actifs très économes en termes de droits de succession (forêts, parts de GFV,…), voire intégralement exonérés (monuments historiques) fournit d’autres solutions, qui ont toutes l’avantage de la légalité.

Actes à but exclusivement fiscal : à utiliser avec discernement

Avoir un objectif exclusivement fiscal ne suffit pas à établir l’abus de droit. Il faut que, de surcroît, le montage soit contraire à l’esprit du législateur.

Jusqu’à présent, le Conseil d’Etat a fait un usage très modéré de cette branche de l’abus de droit, l’écartant dans une très grande majorité de cas.

Il convient toutefois de garder à l’esprit que les apports de titres à une holding, avant que celle-ci ne recède peu de temps après les titres apportés, viennent de faire l’objet de requalifications douloureuses. Bien que portant sur des opérations antérieures au 1er janvier 2000, relevant alors d’un régime de report d’imposition, il n’est pas impossible que le Conseil d’Etat suive la même voie en matière d’apports bénéficiant de plein droit du régime du sursis d’imposition, régime applicable depuis lors.

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